Nationalité : Français
Date de naissance : 9 Juin 1969 à Mulhouse
Fonction : Game Designer, musicien, scénariste, fondateur et PDG de Quantic Dream
Parcours : Quantic Dream (depuis 1997)
Oeuvres majeures :
The Nomad Soul - 1999
Farenheit - 2005
Heavy Rain - 2010
Beyond : Two Souls- 2013
On pourrait le croire américain, mais David Cage, de son vrai nom David De Gruttola,
est bien français et c'est sans doute une fierté pour les joueurs de
l'hexagone. Avant d'être reconnu pour ses jeux et de faire la une avec Heavy Rain, le natif de Mulhouse est entré dans le monde du jeu vidéo par la musique. Composant les musiques de jeux Megadrive (dont Speedy Gonzales),
Super Nintendo et PC, il observe, apprend le processus de création d'un
jeu vidéo avant d'écrire, soirs et week-end, le jeu de ses rêves. "Je
rêvais d'un jeu où le joueur se déplacerait librement dans une immense
ville en 3D en activité, où l'on pourrait conduire des véhicules au
coeur d'une histoire entraînant combat, utilisation d'armes." déclarait-il au site 1up.com en 2010. Ce fantasme donna lieu à Omikron : The Nomad Soul. Un coup de maître pour un premier jeu sorti en 1999, année où Yu Suzuki réalise, dans un registre différent et avec des moyens colossaux, un exploit similaire avec le fantastique Shenmue.
A la différence du génie de Sega, David Cage n'a, à la
genèse du projet (vers 1995), aucune idée de la technologie à employer,
ni des contraintes d'un développement à une époque où les cartes
accélératrices 3D ne sont pas encore arrivées. "J'ai
montré les 200 pages que j'avais écrit sur le jeu à quelques amis qui
ont été impressionnés par le game-design mais m'ont dit qu'il était
impossible de réaliser un tel jeu."
Têtu, et tandis que son père lui conseille "d'arrêter le jeu vidéo", David Cage se montre assez convaincant pour entraîner cinq autres personnes dans une aventure aussi folle qu'épuisante. "Nous
avons travaillé très dur durant 6 mois dans mon studio son, sans
fenêtre, avant de finalement signer le jeu avec Eidos. Une semaine de
plus et j'étais ruiné !" Quantic Dream est né !
Avant cela pourtant, il est tout prêt de signer le projet sur
Playstation avec un éditeur de renom, mais l'affaire ne se concrétise
pas. "Nous aurions pu fournir la première ville
en 3D temps-réel sur Playstation dès 1995, bien avant GTA III. Mais le
Directeur Général de cet éditeur nous avait annoncé à l'époque que la
console serait morte en six mois. Nous l'avons bêtement écouté et avons
travaillé sur un prototype PC qui a donné Omikron."
Pas forcément une mauvaise chose
quand on se souvient de la qualité du jeu, fidèle aux idées premières de
son créateur, qui sera ensuite adapté sur Dreamcast. En outre, la
présence de David Bowie en guest-star renvoie au côté musicien du game-designer.
Il faudra attendre six ans pour voir revenir Quantic Dream sur le devant de la scène. Leur second projet se nomme Fahrenheit (Indigo Prophecy
aux Etats-Unis) et fait beaucoup parler avec son parti pris
cinématographique, ses nombreux QTE et sa fin décevante. Parce qu'il met
toujours beaucoup de lui dans ses oeuvres (il est d'ailleurs le modèle
pour la motion-capture du héros Lucas Kane), on sent David Cage touché par les critiques, même s'il concède que ces dernières étaient constructives et l'ont aidé à améliorer son concept. S'il sait que jusqu'ici, la presse s'est plutôt montrée enthousiaste envers ses jeux, cela ne l'empêche pas de tacler certaines habitudes du milieu. "Souvent
dans la presse, le ton employé pour évoquer un jeu est assez
critiquable. Il y a toujours des raisons qui font qu'un jeu est mauvais,
mais on ne doit jamais oublier les humains derrière." lâchait-il dans Joypad en octobre 2008 (n°189) avant de continuer "Le
plus énervant, ce sont les gens qui bâchent à tort et à travers, qui
ont des positions dogmatiques. Les gars qui ne jurent que par le MMORPG
ou le FPS en dénigrant les autres genres automatiquement, il n'y a rien
qui me révolte plus."
Son genre de prédilection lui, c'était au départ l'action-aventure. Un genre propice pour "raconter une histoire, dire des choses et partager des émotions." Mais parce qu'en plus de savoir raconter une histoire, David Cage
aime innover et ose prendre des risques, il emmène le joueur vers des
contrées inexplorées, allant repenser le film interactif tel qu'on le
connaissait. Retenant toujours les leçons de chaque projet, il décide au passage de réviser sa cible.
Pour Fahrenheit, il commence par laisser de côté l'esprit science-fiction qui a d'après lui, restreint le public de The Nomad Soul.
Il laisse aussi moins de liberté au joueur pour mieux maîtriser le
rythme de son histoire. Oublié enfin, les véhicules et armes d'Omikron. Un choix à contre-courant à une époque où GTA donne le LA du jeu vidéo. "Arriver
en disant "On va faire un jeu sans armes, sans meurtres, sans voitures,
sans ennemis" a laissé beaucoup de nos interlocuteurs circonspects." Encore une fois, Cage et les siens vivent un retournement de situation désagréable
lorsqu'un éditeur retourne sa veste pour Fahrenheit une demi-heure avant la signature
du contrat. Le game-designer leur rendra la pareille quelques années
plus tard en faisant le coup inverse pour Heavy Rain, qui finira chez Sony.
Bien qu'il ait divisé, le succès critique et commercial de Fahrenheit a donné encore plus de crédit à Cage et son équipe, les convaincant qu'il existait un public pour ce genre de jeu. Avec Heavy Rain
en 2010, le Mulhousien va de ce fait aller aux bouts de ses idées. Une
histoire mature, chargée d'émotion, une mise en scène cinéma, un soupçon
de sexe (il en voulait plus), un début lent pour bien planter le décor
(et encore, le final l'est moins que ce qui était prévu au départ) et
une grande liberté d'action laissée aux joueurs, sans que la narration
et le rythme n'en pâtissent. On lit alors que David Cage "a réussi Fahrenheit au deuxième essai".
Pour réussir son pari, il casse certaines
règles. Pas de game over possible par exemple, l'histoire évolue en
fonction des échecs et réussites du joueur. "Aujourd'hui,
en jouant à de bons jeux qui font tout bien, on se dit "C'est sympa ce
que je fais mais je l'ai déjà fait ailleurs." Là, notre envie c'est de
dire : si on ne peut pas faire mieux avec ces règles, changeons-les."
Il prend ainsi le pari de placer le joueur dans la peau d'un père de
famille devenu dépressif après un drame atroce. On est loin, en somme,
du héros en armure dont on affiche le poster dans la chambre étant gamin
et ce, parce qu' Heavy Rain s'adresse à un public mature, et est écrit par un joueur mature. "Heureusement
que les histoires que je veux raconter aujourd'hui diffèrent de celles
qui trottaient dans ma tête quand j'avais 15 ou 20 ans." déclarait-il, toujours dans Joypad en 2008. L'un des paris de David Cage,
est en effet de faire des jeux qui évoluent en même temps que les
joueurs pour ne plus voir une partie d'entre eux lâcher la manette à la
trentaine, parce qu'ils n'ont plus le temps pour jouer, alors qu'ils en
ont toujours pour aller au cinéma ou regarder la télévision. "La
majorité des contenus vidéoludiques sont focalisés sur un public jeune,
pour des raisons historiques et économiques. C'est très bien, certains
sont fantastiques et amusent l'adulte de 39 ans que je suis (en 2008), mais il faudrait davantage de jeux qui grandissent avec les joueurs."
Le secret d'un bon jeu pour ce fan de Fumito Ueda ? Son âme. "Je
peux pardonner à un jeu des imperfections techniques, mais je ne peux
admettre qu'on ne ressente pas qu'il y a des gens derrière."
Une vision qui rejoint l'une de ses plus grosses craintes dans le métier
: voir un de ses jeux annulé, sans jamais pouvoir le sortir. "Au
regard de l'implication de mon équipe et moi-même à chaque fois, ce
serait un véritable drame. Je pense que pour les personnes extérieures à
l'industrie, il est difficile de mesurer à quel point les développeurs
peuvent être attachés émotionnellement à leurs jeux." Il suffit pourtant d'entendre parler ce passionné pour en avoir une petite idée.
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