Editeur : Sony
Développeur : Quantic Dream
Genre : Film interactif
Joueur(s) : 1
Langage : Français (textes et voix)
Difficulté : Moyenne (3 niveaux)
Durée de vie : Environ 12h
Date de sortie : 24 Février 2010
Terminé par le testeur : Oui
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Nomad Soul et Fahrenheit, deux jeux marquants non sans défaut mais qui restent des expériences vidéoludiques inoubliables issues de l'imagination du français David Cage. Sa dernière oeuvre ne déroge pas à la règle. Heavy Rain enfonce même le clou. Attention, s'y essayer peut être traumatisant.
Réalité virtuelle
Cela commence par un drame. Pour mieux nous faire ressentir la
chose, on nous fait avant cela participer à un tutorial qui permet de se
familiariser avec le gameplay dont on parlera plus bas mais qui fait surtout un coup de projecteur sur la vie de
notre héros avant que tout bascule. Une transposition du quotidien de la vie réel au
virtuel que chaque joueur découvrira à sa manière.
Difficile de parler du scénario d'Heavy Rain en évitant les spoilers. Il
faut juste savoir que celui-ci est bouleversant à plus d'un titre. De
par la maturité des thèmes abordés, il est possible que
l'histoire écrite par David Cage touche davantage un type de
joueur
qu'un autre. Tout dépend de la sensibilité de chacun et sans doute,
de son parcours. De cette histoire, nous sommes de toute façon les
propres acteurs.
Le joueur joue plusieurs personnages dont les destins
s'entrecroisent tout au long d'une soixantaine de chapitres avant de
terminer sur un feu d'artifice. Une issue qui sera différente (jusqu'à
une vingtaine de variantes possibles) selon les choix entrepris et la
réussite de nos actes au préalable. Car plus qu'un jeu à fins multiples,
Heavy Rain est capable de bouleverser la progression de l'histoire
à n'importe quel moment à partir d'une action, que celle-ci se déroule au début, au milieu ou à la fin de cette
passionnante enquête (vous savez maintenant que c'est une
enquête). Surtout, là où le titre de Quantic Dream dépasse les Mass Effect et
autres Fallout déjà rodés à l'exercice, c'est qu'il n'y a aucun
gamer over. Echouez quelque part et vous ne recommencerez pas. Non, il
faudra simplement constater les dégâts de cet échec et faire avec
jusqu'à la conclusion qui pourra alors s'en trouver modifier. Outre
quelques rares incohérences, on a finalement l'impression d'assister à
un très bon thriller ou au "saison final" d'une série tant la chose est
captivante.
Un adjectif que l'on peut aussi appliquer à la réalisation du jeu qui
prône le réalisme et s'en rapproche de très près hormis quelques
errances à lire plus bas dans le Gamelymètre. Qualifier le gameplay
d'Heavy Rain est en revanche une tâche plus compliquée. Car foncièrement, les
reproches que l'on peut lire sur ce jeu sont fondés : le gameplay est basé sur une succession d'actions contextuelles (terme plus adapté ici que QTE puisque le "quick time" n'est pas forcément justifié). Reproduire un mouvement aux sticks,
marteler une touche, en maintenir plusieurs en même temps (permettant
en général de retranscrire l'effort) ou incliner le PAD pour tirer parti
du Sixaxis sont nos seules actions manettes en main. Pas besoin
de
viser, de chercher la précision d'un saut ou de trouver la faille dans
un combat à mains nues, la mise en scène fait tout ça pour nous,
imposant simplement d'avoir le timing et le doigté nécessaire (il faut
savoir agir de façon progressive avec les sticks).
Il existe
d'ailleurs trois niveaux de difficultés qui permettront à chacun de
trouver le rythme qui lui convient. De quoi ouvrir la lecture du récit à
des joueurs peu expérimentés qui prendront sans doute ici leur pied.
Ils pesteront toutefois, comme nous tous, sur la lourdeur des
déplacements, principalement en intérieur. Se
tourner de la fenêtre pour partir en
direction du bureau peut s'avérer une prise de tête de plusieurs
secondes à cause d'un axe de marche qu'il est difficile de définir selon
le placement de la caméra. Heureusement, ce défaut ne nuit pas beaucoup au plaisir général puisque les passages
demandant de se déplacer vite et bien sont somme toute assez rares
(mais on les sent passer), la majeure partie de la progression se
faisant à l'aide des actions contextuelles.
Malgré sa simplicité, ce gameplay s'applique donc sans encombre aux
différentes séquences proposées. Le joueur ne se sent pas limité et
n'a jamais l'impression de s'ennuyer. L'action tient d'ailleurs une
place importante de la progression. Combats, virée à contresens sur
l'autoroute et actes désespérés comme se détacher d'un volant tandis que
la voiture est en train de couler sont le genre de choses que l'on peut
être amené à faire selon nos choix. L'autre majeure partie du programme
se consacre à la recherche et aux interrogatoires. Dans ces derniers, on
peut se montrer agressif, courtois, compréhensif, ironique... les
choix apparaissent au dessus de notre tête, il suffit de choisir le
bouton correspondant à notre envie. la formule rappelle Mass Effect
mais il n'y a ici aucun indice sur la nature de nos propos et en
voulant aborder un thème plutôt qu'un autre, le joueur peut offenser son
interlocuteur sans le vouloir. Plus réaliste donc que d'éventuels codes
couleurs ou emplacements récurrents des formules de politesse du jeu de
Bioware.
Classiques dans leur approche, les
phases de recherches peuvent quant à elles s'entremêler à la discussion si elles se
déroulent dans la même pièce. On ouvre un tiroir par ici et on fouille
une armoire par là avant de trouver un indice qui va peut-être, nous
permettre d'élargir le dialogue.
La plupart du temps, on peut aussi
interagir avec le décor, toujours de façon contextuelle, pour donner un
peu plus de vie à la scène. Cela n'apporte qu'un détail de mise en
scène, mais libre à nous de nous adosser contre un mur, de nous asseoir
sur un fauteuil
ou de nous pencher sur le dossier d'une chaise pendant que l'on
réfléchit ou que l'on discute. Des petits trucs de la vie de tous les
jours qui n'avaient jamais été retranscrits de la sorte dans un jeu. Si à
l'instar de GTA San Andreas,
Heavy Rain permet de se raser, de se doucher ou d'aller
aux
toilettes, jamais un jeu de ce calibre nous avait
fait changer un bébé avant de lui donner son biberon, bander au stick
les brûlures d'un personnage blessé ou nouer la cravate d'un supérieur
borné. A lire comme ça, ce n'est peut-être pas très
emballant vidéoludiquement parlant, mais une fois dedans, on effectue
tout ça de manière naturelle, totalement pris au jeu de la mise en
scène, souci permanent de son concepteur.
Comme il l'avait fait dans Farenheit, David Cage a soigné avec la plus grande
minutie la mise en scène de son oeuvre. Pour ceux qui ne l'auraient pas
encore remarqués, Heavy Rain doit beaucoup aux aventures de Lucas Kane.
Le thriller sur fond d'enquête, une progression à points de vue
multiples, les actions contextuelles au coeur du gameplay, le souci de reproduire le quotidien et la
maturité du ton employé sont autant d'ingrédients déjà expérimentés 5
ans auparavant sur Xbox et PS2. Pas étonnant donc de voir le concept de
l'écran divisé repris dans les moments sous tension. Le principe, pour
ceux qui ne le connaissent pas, consiste à montrer ce que fait le joueur
d'un côté de l'écran tandis que l'autre partie s'attarde sur les faits
et gestes d'un ennemi. Souvent, ce dernier est en train de rejoindre la
pièce où le joueur se trouve et il faut donc trouver le moyen de fuir au plus vite.
Emprunté à la série 24h, ce concept fonctionne toujours autant en 2010.
La qualité de la mise en scène ne s'arrête pas là. Les lieux publics
visités (centre commercial, parc d'enfants, gare...) sont plein de vie et
donnent parfois l'impression de se retrouver devant une séquence du
réel filmée. Chaque personnage vaque à ses occupations. Les enfants
jouent,
les parents discutent, des gens s'en vont, d'autres arrivent. Il faut
vraiment s'attarder sur un en particulier pour le voir répéter les
mêmes actions et donc, saisir la "limite" du jeu vidéo.
Dans ces lieux,
certains passages fort en émotion veulent donner une impression de
panique, proche de l'ochlophobie (de celui qui craint la foule, ne pas confondre avec
l'agoraphobie liée aux grands espaces). Ecouter les pensées de
notre personnage (de la même façon qu'on le fait parler durant les
interrogatoires) et le voir accentuer le pas tandis que son inquiétude croit nous
prend au tripes grâce notamment, à une musique des plus réussies.
Les thèmes musicaux renforcent en effet chaque passage du jeu. Qu'ils
abordent la tristesse, la colère, la nostalgie, le désarroi ou l'espoir...
chaque morceau parle de lui-même. A ce propos, le doublage
est à la hauteur du résultat espéré avec des doubleurs français de
premiers choix que vous reconnaîtrez sans problèmes (à commencer par Bernard Gabay, Gary Sinise dans Les Experts ou Ricardo Antonio Chavira - Carlos Solis - dans Desperate Housewives). On devinera aussi
le souhait de donner à certains personnages des traits d'acteurs bien
connus. Difficile par exemple de ne pas voir en l'agent Norman Jayden un
sosie de Brad Pitt à l'époque de Seven. L'agent Jayden qui au passage,
utilise pour ses enquêtes un logiciel nommé ARI. Incorporé dans des
lunettes de réalité virtuelle, il offre une interface à la Minority
Report pour faire le point sur les indices. On constatera avec amusement (ou pas selon la conclusion), qu'il
est régulièrement déconseillé au jeune agent d'abuser de cette réalité
virtuelle. Sûrement une sorte de message de prévention lié aux éventuelles addictions liées aux jeux vidéo, histoire
de boucler la boucle.
Ce qui est sûr, c'est qu'on a beau être conscient que
trop jouer d'un coup est potentiellement dangereux, décrocher d'Heavy Rain est quasiment
impossible tant qu'on n'en a pas vu (jouer) la fin. D'autant que même après
ça, on y retournera pour tenter d'autres chemins et en apprécier les
répercussions. Au final, le sentiment qui reste rappelle celui laissé par Shenmue
10 ans auparavant : l'impression d'avoir vécu tout ces évènements. Sans
vous en dire trop, heureusement que ce n'est qu'une impression.
GAMELYMETRE
88%
REALISATION
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17/20
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Les
lieux, la foule et les personnages ont été conçus pour être le plus
proche de la réalité. L'ensemble est réussi même si certains décors ont
un rendu trop simpliste qui tranche avec le reste. De même, si on a
rarement vu des visages aussi beaux et expressifs, on ne peut que
constater qu'ils sont parfois victimes de quelques bugs leur donnant
un air hébété.
De l'ordre du détail certes, au même titre que
l'animation de certains déplacements en intérieur, donnant aux
mouvements de bras du héros Ethan Mars, un côté gorille.
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IMMERSION
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20/20
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Heavy
Rain fait passer des émotions auxquelles aucun jeu avant lui n'avait songé. Avec une bande son au poil, un scénario parfaitement
ficelé et une implication du joueur permanente, on atteint le cocktail
parfait. Voici le premier film dont vous êtes le héros.
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PROGRESSION
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19/20
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On
passe d'un chapitre à l'autre avec toujours l'inexorable envie d'en
apprendre plus, de savoir qui dit vrai, qui se trompe. Presque impossible de
décrocher sur les douze heures de durée de vie minimum la première fois
et difficile de résister à l'envie d'y replonger pour essayer de
comprendre un maximum de nuances et tester les différentes possibilités.
Quelques chapitres (parmi une soixantaine) proposent une mécanique de
progression un peu longuettes mais à part ça, chacun y trouvera son
compte, à travers trois niveaux de difficulté.
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MANIABILITE
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13/20
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S'ils
sont parfois volontairement vicieux, les actions contextuelles collent parfaitement à
l'action et le fait de devoir maintenir la pression sur les touches pour
restituer l'effort est une bonne idée.
Toutefois, on aurait pu croire qu'en résumant le gameplay à des
actions
contextuelles et à des choix moraux, Quantic Dream aurait
assuré l'essentiel côté déplacements, ce n'est malheureusement pas le cas. Se
diriger à pied est ainsi, souvent fastidieux à cause des angles de caméra,
surtout dans les lieux exigus.
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FUN
&
GAMEPLAY
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19/20
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Il
parait que certains l'ont trouvé ennuyeux, se sont sentis simples
spectateurs d'un film interactif. On peut dire que voir Heavy Rain
comme
un jeu au gameplay limité dans sa complexité n'est pas une hérésie en
soi. De ce fait, que certains n'aiment pas peut se comprendre de la
même façon que certains préfèrent les FPS aux jeux de courses.
Et si après avoir presque réussi son coup avec
Fahrenheit, David Cage vient de créer un nouveau genre, vous serez sans doute beaucoup à
totalement adhérer et souhaiter que beaucoup d'autres emboîtent le pas. Simple
dans son gameplay oui, mais aussi terriblement divertissant (quoi
qu'angoissant).
Beau, prenant, sensible et surprenant à plus d'un titre, Heavy Rain est
un des jeux les plus marquants de cette génération de consoles.
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PLUS LOIN
DLC : Le Taxidermiste
L'idée de Quantic Dream était de réaliser un DLC pour chaque personnage du jeu dans le but de mettre en lumière leur passé et certaines zones d'ombres non expliquée dans l'histoire principale ( l'addiction de Jayden par exemple). Les lois du marketing en ont voulu autrement, Sony préférant que l'équipe de David Cage mette ses moyens au service d'une version jouable au PS Move. Du coup, un seul DLC n'est sorti à ce jour et il y a peu de chance de voir arriver les autres vu les déclarations du développeur français à ce sujet. Regrettable, surtout au regard de la qualité de l'épisode baptisé Le Taxidermiste, vendu 3,99 € et inclus dans l'édition Move (aussi jouable à la manette, le PS Move selon certains tests, apporte surtout une certaine imprécision).
Ce DLC met en scène la belle Madison Paige. Ce n'est pas elle qui empaille des corps d'animaux, mais un homme sur qui elle enquête en fouillant sa maison durant son absence. Le joueur découvre pièce après pièce, fouillant chaque recoin et mesure petit à petit le bien fondé ou non des soupçons. Le climax de cet épisode intervient au moment où le propriétaire des lieux revient alors que l'on est encore dans ses murs. Tous les codes du genre cinématographique sont réunis et respectés pour nous permettre de prendre encore une fois un pied total. La séquence est très courte (comptez une heure en prenant votre temps) mais propose 5 conclusions différentes. Là encore, nos actes et notamment notre façon de fouiller déterminent la façon dont se produit la rencontre entre les deux protagonistes. Sensations garanties !
(Screenshots éditeur)
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